carnets de campagne
Il a toujours un carnet dans sa poche. Besoin de laisser une trace, une date, un chiffre, quelques mots. D’année en année, il les range dans une grande boîte qu’il ressort à l’occasion, quand il a besoin de se souvenir ou de préciser. Les quantités de semences ou le début de travaux dans l’élevage, le dernier épandage ou la première récolte de l’année. Un repère, pour lui comme pour Yann et Bastien qui travaillent avec lui. Une façon de voir le chemin parcouru aussi, depuis plus de vingt ans.
Il a noté sur son carnet : Rencontre avec les randonneurs. Il gardera longtemps à l’esprit le regard inquiet de ces deux marcheurs, grosses chaussures, casquettes et bâton à la main, qui l’observaient du chemin travailler ses cultures. Leur soulagement lorsqu’il a traversé le champ pour leur expliquer tranquillement qu’il ne pulvérise que des produits inoffensifs : juste des sels minéraux. Leurs visages rassurés, leurs quelques mots de remerciements. C’est si peu de chose et pourtant, ça rétablit une vérité. Descendre de son tracteur. Parler avec des randonneurs, avec la voisine qui va étendre son linge, avec la dame qui garde des enfants et qui s’inquiète souvent : est-ce dangereux ces produits pour les petits ? Prévenir lorsque ce sera le jour d’épandage, lorsqu’il travaillera tard dans les champs, les soirs de récolte. Rappeler la jeune lycéenne un peu perdue qui l’a contacté ce matin. Elle a quitté un stage qui s’est mal passé, elle a encore trois semaines et aimerait avoir une expérience dans un élevage. Serait-il d’accord pour la prendre dès lundi ? Il va lui donner sa chance. C’est son choix. C’est vital ! Aussi, ne pas oublier de mettre le panneau ‘ENVI’ de la coopérative au bord des champs qui précise :
Cette culture est garantie sans pesticide
Il le fait avec plaisir, avec une pointe de tristesse aussi : ses parents, ses grands-parents à leur époque étaient fiers de leur métier parce qu’on le valorisait. Aujourd’hui, il est fier de son métier mais doit le défendre. Autre temps, autres moeurs. Peu importe. Ouvrir grand les portes Renverser la table. Expliquer. Il ouvre la boîte de carnets, enfermée dans le placard du bureau. Saisit un cahier ancien où sur la couverture est écrit : 2000.
Quelle émotion ! Après des études de chimie, un stage de fin d’étude chez Total, un poste de technicien agricole dans une coopérative, le voilà de retour dans l’exploitation familiale. Il est heureux. Sa maison, ses origines, son coeur, tout ce qui importe vraiment est là, dans cette belle campagne des Côtes d’Armor, en bordure des Chaos du Gouët, ce fleuve spectaculaire qui court le long de grands rocs de granit. Un repère, des souvenirs. Des après-midis à remonter le cours d’eau avec ses cousins en sautant d’un rocher à l’autre, des soirées à se balader en été, avant le coucher du soleil. Toute sa vie est là. Ce jour-là, il s’engage dans la ferme, avec ses parents dans un premier temps, puis seul. Il referme. Prend un carnet, puis un autre, ouvre au hasard.
Installation. Un mot, un seul, qui raconte un basculement. Il est désormais seul maître à bord. Une joie, un choc aussi ! C’est un métier solitaire, il le sait, il n’en a pas peur. Seul avec les animaux, seul dans les champs, seul à prendre les décisions. Il aime cette autonomie. Il sait aussi qu’il peut compter sur le soutien de Virginie, son épouse. Dès lors il prend chaque sujet à bras le corps, évalue, réfléchit. C’est un scientifique de formation, il cherche l’efficience, la justesse de chaque technique, de chaque dépense. Par goût autant que par raison, il choisit de transformer l’élevage ovin de ses parents en élevage porcin. Il aime ces animaux, leur sens du contact, leur sensibilité. Il aime aussi la technicité de l’élevage en bandes.
Yann, premier salarié à la ferme. Yann est un cousin, ils se connaissent depuis toujours. Il a trente ans et déjà des expériences en élevage. Ils se connaissent bien, ils ont joué ensemble dans les Chaos. Heureux d’avoir un coéquipier à bord ! La traversée ne se fera plus seul.
Jour 1 de la démarche « porcs sans antibiotique ». Un grand moment ! Une initiative de la coopérative qu’il ne regrette pas. Elle a nécessité une transformation profonde de ses pratiques d’élevage. Un défi, comme il les aime ! Les porcelets sont fragiles à leur naissance, ils ont vite froid, sont vite affaiblis s’ils ne tètent pas suffisamment, développent facilement des maladies. Il faut redoubler d’attention pour ne pas avoir recours aux antibiotiques, chauffer les cases, nettoyer sans cesse, les soigner avec des produits naturels. Une nouvelle manière de les accompagner.
Bastien en alternance. Quelle fierté d’accueillir un jeune dans son exploitation ! Lui qui a deux adolescents sait ce que signifie chercher sa voie. Et puis, il aime l’idée de transmettre le goût de son métier. Bastien est un enfant de la région. Il est originaire du Foeil, fait ses études à Quessoy, il a 20 ans. Quand il est arrivé, il ne connaissait pas l’élevage de porcs mais il avait envie de découvrir, de se former. Aujourd’hui il est employé à l’exploitation. Il est sérieux, fiable. Une belle histoire.
Mise en place des puces RFID. Ce moment a marqué les esprits à la ferme. La haute technologie arrive dans l’élevage ! Ces puces, ce sont des boucles rondes fixées à l’oreille des porcs qui permettent d’enregistrer de nombreuses données de santé de l’animal : date de naissance, alimentation, soins, vaccins. On retrouve toutes ces informations sur une appli sauvegardée tout au long de la journée. Une révolution qui passionne toute l’équipe ! Bastien assure chaque jour la synchronisation des données sur le serveur de la coopérative.
Hier, son exploitation a reçu le label ‘Haute Valeur Environnementale’. ll l’a noté. Une reconnaissance ! Il est heureux du chemin parcouru. Il a le sentiment d’être en phase avec ses valeurs, son métier, son temps. Son souhait désormais, c’est de le faire davantage connaître. Élargir le cercle. Entrer en résonance, comme il le fait tous les jours, avec les randonneurs, a voisine, la dame et ses enfants. Aller plus loin. Casser les barrières. Demain, il inscrira sur son carnet, à la page 25 octobre : RECONNAISSANCE. Pour tout ce qui lui a été donné, et pour tout ce qu’il peut transmettre, à son tour. Il sort de son bureau, regarde son tracteur, les bâtiments d’élevage. Au loin, un voisin le salue, grand sourire. Il lui répond, les yeux pleins de gratitude.
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