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OUPS! Vous n'avez pas pu être géolocalisé!
Isabelle

Isabelle,

Double face

Isabelle claque la porte de sa maison. Elle ne ressent plus le pincement au coeur qu'elle éprouvait les premières années, lorsqu'elle laissait ses jeunes enfants au fond de leur lit et filait à l'élevage. Il est 5h45. Quand Ninon et Simon se lèveront, elle sera depuis plus d'une heure avec ses animaux. Elle a gardé cette habitude de partir tôt. Elle échange ses heures de sommeil contre du temps précieux avec eux. 

Ce matin l'air est froid,

les premières lueurs de l’aube teintent le ciel d’un rose incandescent. Elle frissonne, saisie par la fraicheur de l’automne qui picote ses joues. Pourtant, elle n’aime pas le froid. Elle, la coureuse de fond, la randonneuse des grands plateaux est aussi une plante sauvage, sensible aux changements de lumière et de climat.

Il ne faut pas être chochotte pour faire ce métier

Isabelle, Éleveuse

Du plus loin qu’elle se souvienne, elle a toujours aimé les animaux.

Enfant, elle avait demandé un hamster ou un chien à ses parents, mais la famille habitaient en appartement, à Nantes. Comment bien vivre avec un animal dans ces conditions ? Quand arrivaient les vacances elle partait à la Hervotière, la ferme de ses grands-parents en Loire Atlantique. Là, elle courait les bois, les champs et les cours d’eau, découvrait la liberté et la connivence avec les animaux. Elle allait aux poules, aux cochons, aux chevaux avec son grand-père. Ensemble ils nettoyaient les clapiers, donnaient du foin aux bêtes. Des instants gravés dans sa mémoire, un petit paradis intérieur qui éclaire son quotidien.

Le bac en poche, elle annonce à sa mère qu’elle ferait de l’élevage son métier.

Elle pense d’abord travailler dans une écurie, mais elle veut être plus proche des cycles de vie, de la naissance à la maturité, jour après jour. Elle choisit l’élevage de porcs. Des animaux de taille basse qu’elle peut soigner, manipuler sans s’épuiser, elle qui, du haut de son 1m58, doit monter sur la pointe des pieds pour approcher un cheval ou guider une vache ! Et puis, elle préfère travailler en intérieur, éviter les frimas de l’hiver. Elle fait ses premières expériences dans une coopérative puis s’engage avec son mari dans le rachat d’une exploitation porcine en Bretagne où elle est travaille aujourd’hui. 

À son arrivée sur l'exploitation elle troque sa veste en velours, son jean, son pull et ses baskets contre son habit de travail. Une cote verte, toute propre. Depuis qu’elle a choisi avec son mari de faire de l’élevage sans antibiotique, elle respecte scrupuleusement le protocole sanitaire. Les maladies se propagent facilement dans les exploitations, il faut se changer entièrement, chaque jour. Et puis, sa cote de travail, c’est son costume de scène. Un sésame, une mise en condition pour commencer la journée. Elle glisse dedans, remonte la fermeture éclair et entre dans son rôle de cheffe d’élevage.

Isabelle
Isabelle

Donner naissance, alimenter, soigner.

Un cycle répété selon un rythme régulier et pourtant, jamais une journée ne se déroule de la même façon. Une truie peut avoir besoin d’un soin, un porcelet peut montrer une fragilité, il faut intervenir, changer son emploi du temps. Chaque animal a ses spécificités, ses besoins, son potentiel, c’est ce qui rend les jours, les semaines singulières et vivantes à l’élevage.

À 7h arrive Sonia, son double.

C’est avec elle qu’elle conduit l’élevage. ‘Elle et moi, c’est pareil !’ dit-elle. De même gabarit, elles ont toujours su qu’un rapport de force avec des cochons de trois à quatre fois leur poids ne serait pas en leur faveur. Elles ont fait le choix d’accompagner plutôt que de diriger les animaux.

Il faut sentir son élevage. Repérer le cochon malade, chercher des solutions naturelles, manuelles, tactiles. Avec Sonia et Alain, l’autre salarié de l’exploitation, on voit au premier coup d’œil si une bande ne va pas bien.

Isabelle, Éleveuse

On lui demande parfois pourquoi elle fait ce métier.

Élever des cochons, quelle idée quand on est une jeune femme ! Elle répond que ce qui donne du sens à son métier, c’est de nourrir les gens. Produire une viande saine, de bonne qualité, qui donne une bonne santé. Un instinct, une responsabilité aussi. Les premiers jours du confinement de mars 2020, elle a entendu des gens s’interroger : va-t-on encore trouver de la nourriture dans les rayons des supermarchés ? On avait oublié à quel point on pouvait être vulnérable. On retrouvait les besoins fondamentaux, l’utilité d’une production locale. On recherchait un contact direct avec des agriculteurs, des éleveurs. Son rôle nourricier retrouvait tout son sens.

Cette responsabilité retrouvée s’ajoute à d’autres.

Car depuis plusieurs années, l’urgence écologique amène le monde agricole à repenser ses modèles, transformer ses installations, ses pratiques. ‘Ça nous tire vers le haut !’ dit- elle souvent à Sonia et Alain. Mais l’inquiétude est là. Il y a déjà eu tant de travaux dans l’élevage depuis dix ans, tant de transformations. Pourront-ils répondre à cette nouvelle urgence ? Il faut investir, s’endetter encore. Jusqu’où pourront-ils aller ?

Élevage Isabelle
Élevage Isabelle
Isabelle
Au bureau
Commune Isabelle
Paysage
Isabelle
Isabelle
Isabelle
Isabelle
Élevage Isabelle
Paysage

La journée tire à sa fin.

Isabelle retourne au vestiaire, enlève sa cote de travail, la met à la machine. Elle prend une douche, enfile son jean, son pull, ses baskets et sa veste bleue. Une deuxième journée peut commencer. Retrouver Ninon et Simon, jeter un œil sur le groupe d’éleveuses sur Facebook. Rêver d’un trek à l’autre bout du monde. Se préparer au week-end. Un temps pour elle. Le soir, elle portera son autre costume de scène, pour un autre rôle. Une partie d’elle-même s’exprimera alors, féminine et libre.

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