épopée au grand air
Il est libre, Arnaud. Vingt-huit ans et la sensation tranquille d’avoir une vocation. Un destin annoncé à sa naissance par les fées des légendes de Cornouaille peut-être, nous sommes en pays finistérien ! Un sort jeté au berceau, à côté d’une paire de grandes bottes, sésame pour suivre son père dans l’élevage familial. Des bottes qui donnent confiance, force et sérénité. Un beau cadeau.
Un jour qu’il se lève avant le chant du coq, il chausse ses bottes, longe la maison familiale et file vers les bâtiments d’élevage. Envie de se confronter seul au troupeau de cochons. Prudemment il entre au milieu d’eux. Les animaux se montrent d’abord méfiants, le regardent puis se pressent autour de lui, le reniflent, groins contre la peau, juste au-dessus des bottes protectrices.
Il retient son souffle. Attend, sans trop oser bouger. Le temps de s’apprivoiser.
Il respire. Un baptême du feu ! Son lien avec les cochons est scellé.
Avec sa vue sur la Presqu’ile de Crozon - lieu de parties de pêche pour Arnaud et son père - et les mythiques monts d’Arrée, désert de landes sauvages. Un terrain de jeu aux horizons puissants, aux sentiers sinueux qu’Arnaud parcourt adolescent en marchant, en courant. Car comme sa soeur, il aime courir. Ils ont été entraînés par leur père, qui tôt leur a donné le goût de la compétition. Depuis, on les voit souvent le dimanche, maillot jaune et brassard à leurs noms, rafler les premières places du podium pour des courses de 10 km ou des semi-marathons. On voit aussi Arnaud aux championnats de France de marche athlétique. Une âme de sportif.
à quelques kilomètres de la ferme et de la maison de ses parents, cette jolie bâtisse ocre jaune bordée d’hortensias. Une atmosphère presque italienne en pays breton ! Un vieux puits en pierre, un pot en terre cuite, des murs recouverts de glycines et une grande table en bois pour déjeuner dehors.
Depuis le passage des fées au-dessus de son berceau il le sait : il sera agriculteur, comme son grand-père et son père, l’éleveur le plus récompensé du prix du Cochon d’or au salon d’agriculture de Rennes. Une filiation inspirante.
Il veut faire ses armes ailleurs, attendre le moment où il se sentira prêt. Il fait six ans d’études à l’école d’agriculture puis, pour gagner sa vie et laisser mûrir ses intentions, prend un job de ramassage de poubelles à la ville de Quimper. C’est un travail physique : sauter du camion et chercher les conteneurs, les vider, les replacer puis resauter, sentir le camion prendre son élan, reprendre. Il le fait comme une course à pied, à un rythme régulier et soutenu. Une performance qui commence tôt le matin, laissant l’après-midi libre pour aider ses parents à la ferme et pour s’entraîner, avant les compétitions.
Il aime bien cette vie. Il est libre, Arnaud.
Il veut lier son destin à la ferme ! Ses parents l’accueillent à bras ouverts, heureux de poursuivre leur oeuvre avec lui. Une aventure à trois, un nouvel élan avant de prendre leur retraite. Pour vivre ensemble des revenus de l‘exploitation, ils doivent repenser leur élevage. Augmenter le cheptel ? Ce n’est pas dans leur philosophie. ‘À dimension petite, il est plus facile d’aller parmi’ dit le père. Il faut alors faire bouger les lignes. Prendre le temps de voir autrement. Peut-être il y a-t-il une autre voie ?
Depuis leur installation dans les années 80, ses parents ont toujours travaillé à petite échelle avec quarante-deux truies, douze boeufs et quatorze hectares. Un choix guidé par la volonté de garder un lien avec les animaux. ‘Un animal bien traité nous le rend toujours bien !’ dit son père, dont l’élevage est depuis 2007 estampillé Label Rouge. Un cercle vertueux, que l’on retrouve aujourd’hui dans l’élevage biologique. Et si c’était la solution ?
Ensemble ils partent en voyage en Allemagne, visitent des élevages biologiques novateurs. De retour à la ferme ils travaillent sur des plans de bâtiments avec des espaces extérieurs, reconsidèrent les zones de maternité, envisagent le paillage au sol. Ils s’étonnent de retrouver des solutions traditionnelles, s’enthousiasment à l’idée d’intégrer des techniques nouvelles. Ils font des calculs. Au bout de quelques mois, ils sont convaincus : le bio, c’est leur voie. On les assure à plusieurs reprises d’un soutien indéfectible, l’idée est si bonne : on sera là, on vous achètera votre production ! Mais aucun engagement sérieux au-delà des promesses. Il y a parfois des forces contraires à l’innovation, à l’audace, il faut alors sortir de chez soi, chercher des ressources ailleurs. Ils les trouvent à la coopérative de Lamballe. Étude, conseils techniques, garantie d’achat à prix fixe : c’est le partenaire de leur épopée, agricole et familiale.
Arnaud et son père démolissent des bâtiments, montent les toitures, façonnent l’avenir tout en s’occupant des troupeaux. Une année intense, grisante, avec la sensation de construire l’élevage de leurs rêves. Au bout d’un an, les premières truies entrent dans le nouveau bâtiment de maternité. Des espaces immenses, avec une case pour chacune, un nid chauffé pour les petits ; attenant, un vaste espace paillé, une grande cour pour les truies et leurs petits ; une aire de jeux avec au fond, un accès direct à l’extérieur.
Les petits sont sortis de leur nid et tètent leur mère. Des scènes immémoriales dans un élevage moderne, au XXIe siècle. Le bonheur ! Des scènes que ses parents n’avaient plus vues depuis leur jeunesse. Ils restent tous les trois des heures à les observer, à noter des comportements, comme ces trois truies, soeurs, qui restent proches après leurs mises bas pour surveiller la portée des autres. Ou comme ces cochons non castrés qui courent dans la paille sans jamais s’agresser.
Une observation qui les aide à affiner leurs pratiques d’élevage, en fonction de l’instinct et de la nature des animaux.
Libre d’inviter ses amis de lycée chaque été à la ferme, pour une grande fête du cochon grillé. Cette année, en plus du plaisir de les réunir tous - ils sont plus de trente ! - il a la fierté de présenter son nouvel élevage. D’aller parmi ses animaux avec ses amis, sa famille et avoir le sentiment que tout ça tourne rond. Son métier, ces dernières années objet de critiques, est ce jour-là reconnu. Même ses amis les plus fidèles, touchés par les images qui circulent sur les réseaux, finissaient par douter du bien-fondé d’un élevage. Ce jour-là ils comprennent son choix, reconnaissent la valeur de son travail, la justesse de son lien avec les animaux. Décidément, les fées à sa naissance l’ont gâté. D’ailleurs, toute la journée, il a gardé les bottes au pied.
La force de Brocéliande c'est notre modèle coopératif et notre maîtrise de toute la filière, de l'élevage à votre assiette ! Venez découvrir notre fonctionnement, nos valeurs et nos engagements !